Répercussions de la santé mentale dans la vie personnelle et professionnelle 

Première de deux parties d’une entrevue sur le défi grandissant
de la santé mentale en milieu de travail à l’échelle mondiale

Santé mentale des employés : Quelles en sont les répercussions sur le milieu de travail?

Le manque de soins de santé mentale demeure un défi à l’échelle mondiale. La prévalence des troubles mentaux augmente dans le monde et représente un fardeau social auquel il faut remédier, car le problème continue de croître, le travail continue de s’intensifier, les cultures ne sont pas assez inclusives et l’accès au soutien en santé mentale nécessaire est insuffisant.

Néanmoins, dans un récent sondage, des gestionnaires de risques et de ressources humaines ont classé la santé mentale respectivement au 18e et au 21e rang, et l’épuisement de la main-d’œuvre au 22e rang parmi 25 risques. Il s’agit d’un classement très surprenant, car ce sont des problèmes très répandus et ces résultats semblent en contradiction avec le classement d’autres risques contigus parmi les dix principaux risques, comme les événements catastrophiques de la vie personnelle, le changement de la nature du travail et l’environnement.

Les entreprises perçoivent-elles la santé mentale comme un problème du passé? Estiment-elles avoir réglé le problème en ajoutant un programme d’aide aux employés (PAE) ou en lançant une campagne contre la stigmatisation?

BRINK a parlé à Alison Byrne, cheffe d’équipe des services-conseils en santé au travail pour le Royaume-Uni, Mercer Marsh Avantages sociaux, et au Dr Ariel Almazan, directeur du mieux-être, de la santé et de l’indemnisation, Santé du personnel pour le Mexique, l’Amérique latine et les Caraïbes, Mercer Marsh Avantages sociaux, de la façon dont la santé mentale est interreliée avec le travail et de ce à quoi pourrait ressembler un meilleur soutien pour les employés.

BRINK : Les résultats du sondage sur les Principaux risques liés aux RH semblent montrer que les employeurs pourraient compartimenter l’enjeu de la santé mentale, plutôt que de le considérer comme un problème qui est lié de manière inhérente à d’autres risques qui émergent, comme la pandémie de COVID-19, en plus d’être un risque qu’il faut continuellement atténuer. Croyez-vous que c’est le cas?

Dr ALMAZAN : Notre dernière recherche sur les principaux risques liés aux ressources humaines semble indiquer que la santé mentale glisse au bas des priorités des milieux de travail. C’était surprenant, car plus de gens que jamais souffrent de solitude, de stress, d’anxiété et de dépression. Certaines personnes s’inquiètent que de nombreuses équipes de gestion des risques et des ressources humaines considèrent la santé mentale comme un problème qu’elles ont réussi à résoudre. Cependant, bien que la pandémie de COVID-19 s’atténue grâce à la vaccination, la crise de la santé mentale est loin d’être terminée. Des événements internationaux, comme l’inflation croissante, la crise du coût de la vie, le conflit en Ukraine, les tensions géopolitiques et les événements climatiques, accroîtront le stress et l’anxiété à l’avenir.

Le soutien en santé mentale offert par l’employeur doit aller plus loin. Les employeurs doivent tirer des leçons de la COVID-19, qui a soulevé l’importance d’avoir un éventail de mesures de soutien en santé mentale en place et de gérer les risques qui proviennent de mauvaises conception, organisation et gestion du travail. Un employé sur deux déclare qu’il se sent un peu stressé chaque jour. Durant la pandémie, 64 % des personnes disposant de protections de soins de santé mentale se sont senties appuyées par l’employeur par rapport à 44 % de celles qui n’en avaient pas. 

Dans quelle mesure la santé mentale a-t-elle des répercussions dans la vie professionnelle?

BRINK : Dans quelle mesure les problèmes de santé mentale ont-ils des répercussions dans leur vie professionnelle?

Mme BYRNEDes assureurs ont récemment trouvé que les risques liés aux mieux-être mental et émotionnel figurent parmi ceux qui ont le plus de répercussions sur le coût des régimes de soins médicaux fournis par l’employeur. En plus des demandes directes de règlement pour soins médicaux et invalidité, une mauvaise santé mentale demeure la principale cause d’absence et peut également entraîner une faible productivité.

Les coûts ne sont toutefois pas la seule raison pour laquelle les employeurs devraient être préoccupés du mieux-être mental de leurs effectifs.

Les problèmes de santé mentale peuvent également mener à de graves incidents comportant une inconduite, des erreurs et des omissions, ainsi que des problèmes de sécurité, y compris de la violence en milieu de travail en raison d’un déficit cognitif causé par un stress non géré. Les milieux de travail qui contribuent au stress font face à une atteinte à la réputation, à un roulement de personnel élevé et à une perte de talents clés. Plus une personne est incapable de travailler longtemps en raison d’une maladie mentale, moins il est probable qu’elle reprenne le travail.

Les absences causées par une maladie physique font souvent place à des sentiments d’isolement et de dépression. Ramener ces personnes au travail le plus tôt possible et aussi tôt que cela est approprié, même à capacité réduite, pourrait accélérer leur rétablissement et permettre à une organisation de conserver ses connaissances et de réduire ses coûts.

Il y a également d’importants avantages pour les entreprises de faire bien les choses; les dispositions relatives à la santé mentale sont un aspect crucial, qui peut stimuler l’acquisition de talents et la fidélisation.

Par exemple, notre recherche a révélé que 42 % des employés ayant accès à des protections de soins de santé mentale sont moins susceptibles de quitter une entreprise, comparativement à 27 % de ceux qui n’en ont pas. De même, les personnes dont les employeurs offrent un large éventail d’avantages sociaux en matière de santé et de mieux-être sont plus loyales, engagées et moins susceptibles de partir.

Fusionner la vie personnelle et la vie professionnelle

BRINK : La solitude et le manque de socialisation ainsi que la sédentarité accrue et les modes de vie à l’intérieur contribuent souvent à l’aggravation des problèmes de santé mentale. Selon vous, quelles seront les répercussions à long terme du télétravail?

Mme BYRNE: Un travail flexible est le type de soutien au mieux-être et à la santé le plus apprécié, trois employés sur cinq indiquant qu’ils aimeraient grandement ou énormément bénéficier de modalités de travail flexibles.

Notre recherche indique que 61 % des employés affirment que la pandémie a entraîné des expériences positives, notamment passer plus de temps à la maison, atteindre un meilleur équilibre entre la vie professionnelle et la vie personnelle, éviter les déplacements et faire du télétravail. 

Les organisations devraient donc appuyer ces expériences en adoptant une définition plus large du travail flexible qui comprend de la souplesse, mais pas seulement par rapport à l’emplacement, mais aussi en ce qui concerne le temps et les avantages.

Cela ne signifie toutefois pas qu’il n’y a pas de défis. Par exemple, la même recherche a révélé que 78 % des répondants avaient eu une expérience négative durant la pandémie. Les cinq principales expériences négatives ont été de manière générale voir sa situation financière empirer, ressentir davantage de solitude ou d’isolement, avoir une moins bonne santé ou condition physique, connaître un problème de santé mentale et éprouver moins de satisfaction par rapport à son travail. Les entreprises doivent atténuer les nouveaux risques pour la santé associés au fait de travailler à l’extérieur d’un milieu de travail unique.

Des approches plus délibérées sont nécessaires pour s’assurer que les changements aux pratiques professionnelles n’érodent pas les avantages du travail d’équipe ou n’éliminent pas des possibilités d’interactions sociales positives. Les entreprises doivent tenir compte des répercussions des personnes qui déménagent et qui changent la façon dont elles accèdent à du soutien pour le travail. Cela comprend les risques liés à la santé mentale comme l’isolement et des employés qui prolongent leur journée de travail de façons qui ne sont pas saines.

Tout cela signifie qu’il faut repenser les avantages sociaux pour offrir des solutions à de nouveaux problèmes comportementaux ainsi que par rapport à l’équilibre entre la vie personnelle et professionnelle et aux relations sociales. Des avantages sociaux efficaces devraient adopter une approche concertée et se concentrer sur l’ensemble de la personne. Cela devrait comprendre une évaluation de la mesure dans laquelle la personne se sent liée à son organisation ainsi qu’à la mission, à la vision et aux valeurs de cette dernière.

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