À l’heure actuelle, de nombreuses entreprises établissent la structure de leurs stratégies en matière d’avantages sociaux pour 2023, un élément fondamental de leur gestion des risques liés aux ressources humaines. Dans la situation économique actuelle, elles sont aux prises avec un défi sans précédent et doivent gérer les répercussions des taux d’inflation à la hausse. Ces entreprises devront intensifier leur planification, mettre l’emphase sur l’assurance maladie et se concentrer sur les groupes plus vulnérables, comme les employés à faible revenu.

L’incertitude a été le principal enjeu pour les spécialistes des avantages sociaux au cours des dernières années. Cependant, très peu de responsables des avantages sociaux ont dû faire face aux taux élevés d’inflation que nous connaissons en 2022 ou à la menace imminente d’une récession causée par l’inflation. 

 

Ces défis économiques ont entraîné un grand nombre de nouvelles difficultés pour les employés. En réponse, les employeurs tentent de prévoir l’incidence d’une inflation importante sur la conception et le financement de leurs programmes d’avantages sociaux et de mieux-être. 

 

Les préoccupations sont grandes dans le secteur, comme le démontre le fait que les risques liés à la gouvernance et aux finances occupent une place importante dans nos travaux de recherche sur les risques liés aux RH.1.  Trois de ces risques figuraient parmi les dix principaux risques des 25 risques examinés.  (Ils étaient les suivants : administration et obligation fiduciaire, augmentation des coûts liés à la santé, à la protection contre les risques et au mieux-être, et prise de décision et imputabilité en matière d’avantages sociaux, de politiques et de rémunération.)

 

Les régimes de retraite sont une priorité immédiate, car tant les promoteurs de régimes que les prestataires sont préoccupés par l’érosion du pouvoir d’achat et la fiabilité des hypothèses passées établies à l’égard du financement et des sources de revenus.[1] Les avantages sociaux de protection contre les risques (comme l’assurance vie collective et l’assurance invalidité), qui dépendent des revenus de placement, sont une source importante de préoccupation. Il est évident que le contexte économique actuel pourrait entraîner des changements à la tarification, et les personnes du domaine de la tarification de l’assurance vie, invalidité et maladie observent possiblement déjà les signes avant-coureurs d’un durcissement des positions sur le marché de l’assurance.

 

Compte tenu de cette évolution, il faut poser une question importante à propos des régimes de soins médicaux et des avantages assurés : le contexte inflationniste actuel aura-t-il une incidence importante sur ceux-ci?

Bien que l’inflation ait une incidence sur les coûts des régimes de soins médicaux pour l’employeur (en matière d’augmentations du coût par unité pour les fournitures et les services médicaux), d’autres facteurs doivent aussi être pris en compte dans l’établissement du budget et des taux. En voici quelques-uns :

 

  •  Combinaisons de traitements modifiées (p. ex. passage à des traitements plus coûteux)
  •  Changements dans les tendances d’utilisation (p. ex. les personnes n’utilisent pas les services en raison des restrictions liées à la COVID-19)
  •  Taux d’intérêt à la hausse (ce qui augmente les revenus de placement des assureurs et leur permet de compenser certaines des demandes de règlements plus élevées qu’ils doivent rembourser)
  •  Changements réglementaires

En réalité, les assureurs, les conseillers et les promoteurs de régime sont aux prises avec de nombreuses questions difficiles lorsqu’ils tentent de prévoir les demandes de règlement pour 2023 : Le report des soins préventifs pendant la pandémie entraînera-t-il des diagnostics de stade plus avancé? Les patients et les contribuables devront-ils assumer les coûts plus élevés attribuables aux augmentations de salaire des professionnels de la santé qui sont épuisés? Est-ce que la demande pour de nouveaux régimes de traitement fera augmenter davantage les demandes de règlement ou améliorera-t-elle l’efficacité de la gestion des troubles médicaux?

 

Il est encourageant de remarquer qu’à l’échelle mondiale, l’inflation des coûts médicaux n’est pas aussi marquée que l’inflation des prix de l’énergie et des aliments :

 

  •  Au Canada, les prix des soins médicaux et personnels ont augmenté de 0,3 % de juin à juillet de cette année, alors que l’indice des prix à la consommation a connu une hausse de 0,4 % pour la même période.3 
  •  Au Royaume-Uni, les plus récents rapports n’indiquent aucune augmentation des prix des soins médicaux.4  
  •  À Dubaï (Émirats arabes unis) aucune augmentation des dépenses liées à la santé n'a été observée sur douze mois de 2021 à 2022.5,6  
  • Au Brésil, le taux d’inflation des soins médicaux et personnels demeurait inchangé à 6,14 % en juin 2022, comparativement à juin 2021. Il s’agit du taux le plus bas de toutes les catégories.7  
  •  Aux États-Unis, la Kaiser Family Foundation a constaté que la variation annuelle des prix des services médicaux (4,8 %) était remarquablement inférieure à la variation annuelle des prix de l’ensemble des biens et services (8,5 %) (voir les figures 1 et 2).
  •  Le secteur des soins de santé en Inde a connu une augmentation de 5,49 %. D’autres secteurs ont connu des augmentations plus élevées, notamment celui de l’énergie (9,54 %) et celui des biens ménagers (6,85 %).9

 

Selon nous, les renouvellements de 2023 seront plus susceptibles d’être touchés par la variation des facteurs d’utilisation des demandes de règlement et le durcissement général des positions que par l’inflation elle-même. Cependant, si l’inflation persiste, la conception et le financement des protections médicales seront touchés. Nous en constatons déjà les premiers signes dans certains marchés, notamment en Turquie où les prix à la consommation ont connu une augmentation annuelle de 78,6 %. Cela a entraîné une augmentation plus faible, mais tout de même importante, de 39,3 % dans le secteur de la santé.10

 

Figure 115: Changement dans l’indice des prix à la consommation – centres urbains (IPC-U), juillet 2021 à juillet 2022

Figure 215: Changement dans l’indice des prix à la consommation – centres urbains (IPC-U), juillet 2021 à juillet 2022


Trois principales prédictions pour les programmes d’avantages sociaux pour 2023

Intensification de la planification, accent sur les soins de santé pour attirer/fidéliser/mobiliser et préoccupation pour les travailleurs à plus faible revenu.

1. La planification avant les renouvellements deviendra la norme

 

Puisque l’établissement des prévisions pour les coûts des régimes de soins de santé est un processus complexe, il est courant que les employeurs des États-Unis règlent les derniers détails de la conception de leurs programmes d’avantages sociaux de l’année suivante six mois avant la date d’entrée en vigueur. Comparativement, les employeurs de certains pays autres que les États-Unis ne terminent la conception de leurs programmes que quelques mois à l’avance. Étant donné la situation changeante actuelle, bon nombre d’assureurs hésitent à fournir les conditions de renouvellement des contrats longtemps à l’avance. Cependant, on demande aux promoteurs de régimes de se préparer pour les renouvellements en élaborant une stratégie de placement définie dès que possible.

 

Selon nous, les prochaines années seront difficiles pour les personnes devant négocier des primes d’assurance maladie. Cette tâche devient plus complexe en raison du besoin d’équilibrer les objectifs de limitation des coûts motivés par la récession et les objectifs d’attraction, de fidélisation et de mobilisation des talents. Dans cette période de pandémie, le rôle essentiel des programmes de soins de santé et de protection contre les risques dans la protection des employés et des entreprises est de plus en plus reconnu.11 La réduction de ces avantages sociaux pourrait démobiliser du personnel clé. Pour ces raisons, les conseillers et les promoteurs de régime devraient entamer plus tôt leur dialogue pour :

 

  • Tenir des négociations en vue du renouvellement transparentes et fondées sur les données. Compte tenu de l’ambiguïté du marché et de la probabilité de durcissement des taux, il sera important d’avoir rapidement un dialogue actif avec les assureurs pour établir les taux. Les discussions devraient porter sur les méthodes de tarification des primes et sur les hypothèses utilisées.
  • Confirmer les principaux objectifs de placement et évaluer les modifications à la conception des programmes avant de demander des devis. Il faut réexaminer les plafonds et les limites des programmes d’assurance vie, invalidité, accident et maladie pour s’assurer qu’ils suivent le rythme de l’inflation et que les soins de santé demeurent abordables. Les leviers de coût, comme les franchises, peuvent aussi être affaiblis par l’inflation; il est donc recommandé d’effectuer un examen semblable de ces éléments. 
  • Explorer d’autres options de financement. Il peut être pertinent d’avoir recours à ces autres options si les primes proposées par l’assureur ou le marché sont essentiellement conservatrices. Par exemple, les employeurs peuvent envisager des ententes sur le partage des excédents ou des rajustements de primes en cours de contrat.

2. Les régimes de soins de santé joueront un rôle plus important dans la proposition de valeur aux employés

 

Notre enquête sur les tendances mondiales en talents indique qu’un tiers des employés renoncerait à une augmentation de salaire en échange de protections de mieux-être supplémentaires pour eux-mêmes et leur famille.12 Cela évoque un certain nombre de possibilités et de questions : Pouvez-vous, en tant qu’employeur, vaincre l’inflation avec une proposition de valeur aux employés qui est bien équilibrée et convaincante? Si votre entreprise est confrontée à une pénurie de main-d’œuvre à long terme, des augmentations cumulatives d’année en année seront-elles durables, ou serait-il préférable de réaffecter une partie de ces dépenses à des protections de soins de santé qui feront que vous serez perçu comme un employeur qui se soucie de son personnel?

 

Les employeurs qui se méfient des répercussions futures de l’inflation à l’égard des régimes de soins de santé à prestations déterminées ont une occasion unique de penser et d’agir de manière créative. Une approche clé consiste à utiliser une technique courante de maîtrise de l’inflation, soit la substitution de produits. Plus particulièrement, dans le cas de nouveaux types de protections, comme les protections de mieux-être auxquelles s’attend la main-d’œuvre d’aujourd’hui, il existe des occasions d’accorder la priorité à des options qui subissent moins les effets de l’inflation (comparativement aux régimes d’assurance maladie traditionnels). Parmi ces options, on retrouve : les comptes de gestion santé et mieux-être à cotisations déterminées, les crédits pour l’achat de soins préventifs ou de soutiens au mode de vie, et les soutiens à l’amélioration de la santé financière et mentale. Un autre point important à considérer est de s’assurer que les programmes offrent suffisamment de flexibilité et que les cotisations des employés sont raisonnables. Cela est particulièrement important lorsque les employeurs commencent à envisager l’admissibilité de groupes d’employés qui ne sont pas habituellement couverts par un régime d’assurance maladie, comme les employés à temps partiel, les employés contractuels et les employés à faible revenu.

 

3. Les employeurs responsables prêteront une attention particulière aux employés vulnérables dont la vie est devenue plus difficile en raison de la hausse des prix des aliments et de l’énergie

 

Pendant les importantes poussées inflationnistes, l’érosion des revenus et des avoirs et la perte des avantages sociaux sont parmi les plus grandes craintes des employés. Ces préoccupations sont encore plus importantes chez les travailleurs à faible revenu. Cela s’explique par le fait que leurs rajustements salariaux sont habituellement inférieurs à l’inflation et que les biens essentiels, comme l’électricité et les aliments, représentent la plus importante augmentation de leurs dépenses. Ils ont aussi un accès limité au crédit et aux placements à plus haut rendement qui pourraient atténuer les effets de l’inflation sur leur pouvoir d’achat.  

 

En 1990, l’hyperinflation au Brésil a atteint un sommet de 2 500 % pour l’année.13 Les étalages de produits se sont vidés rapidement alors que la population, craignant la pénurie et les prix élevés, a accumulé les aliments et les biens ménagers. Les entreprises modifiaient les prix des produits tous les jours. Le pouvoir d’achat des personnes moins bien nanties s’est évaporé presque du jour au lendemain. Cependant, le secteur le plus riche de la société avait accès à des instruments de placement pour protéger leurs avoirs. Les inégalités ont augmenté, et certaines personnes fortunées se procuraient même d’autres réfrigérateurs pour tous les aliments supplémentaires qu’ils avaient achetés. Cette période extraordinaire illustre clairement que ce sont les groupes les plus vulnérables qui ressentent le plus durement les effets de l’inflation.

 

Les spécialistes des avantages sociaux cherchant à se démarquer comme étant des employeurs responsables peuvent tirer des leçons des pays, comme le Brésil, qui ont fait face à des niveaux élevés d’inflation dans le passé. Ils doivent travailler pour « inverser la pyramide » et s’assurer que les groupes qui en ont le plus besoin ont accès à ces avantages sociaux par des mécanismes comme une coassurance moins élevée.

 

En gardant cette leçon à l’esprit, et en tenant compte de l’érosion actuelle du pouvoir d’achat dans de nombreux pays, quelles seront les répercussions de l’inflation sur les programmes d’avantages sociaux? Est-ce que les employés à plus faible revenu renonceront à verser des cotisations à leurs régimes de soins médicaux, d’épargne et d’assurance alors qu’ils tentent de joindre les deux bouts?

 

Il y a déjà une raison importante de s’inquiéter : notre enquête Santé à la carte révèle que 24 % de la main-d’œuvre mondiale (incluant 34 % des mères monoparentales) n’est pas convaincue qu’elle a les moyens de payer les soins de santé dont sa famille a besoin.14 Ce chiffre augmente à 29 % en Amérique latine et à 27 % aux États-Unis.


Conclusion

Même avant le début des pressions inflationnistes actuelles, les employeurs étaient en train de remanier leurs avantages sociaux pour les rendre plus pertinents et pour mieux gérer les risques liés aux RH. Alors que les entreprises sont aux prises avec les effets continus de la pandémie, un certain nombre d’avancées positives sont passées au premier plan. Parmi celles-ci, on retrouve des progrès relatifs à l’accès numérique aux protections de soins de santé, un désir de remédier aux iniquités en matière de soins de santé et d’avantages sociaux, et une acceptation de solutions plus larges pour l’investissement dans les soutiens aux employés.

 

Les entreprises doivent maintenant aussi tenir compte des répercussions de la possibilité d’une inflation de plus longue durée. Nous recommandons aux employeurs de commencer immédiatement à réfléchir à la manière dont ils peuvent soutenir les gens les plus vulnérables, tout en continuant de collaborer avec l’ensemble de leur personnel pour soutenir leur mieux-être. Les employeurs doivent aussi envisager des mesures raisonnables pour limiter le coût de leur programme d’avantages sociaux. Cela est essentiel pour gérer la volatilité des coûts à long terme. Idéalement, de telles mesures devraient diriger les gens vers des soins de haute qualité, ce qui aidera à créer des solutions en matière d’avantages sociaux qui sont durables pour tous.

 

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