Par Brian Lindenberg
Au fil des ans, il a beaucoup été question de la mise en commun des frais médicaux, en particulier de la hausse des frais ou primes de mise en commun. Et depuis peu, cet enjeu suscite encore plus de discussions, alors que les assureurs sont aux prises avec les coûts et risques associés aux médicaments onéreux.
En 2013, une entente de mise en commun des règlements pour des médicaments onéreux (EP3) a été mise en place afin de traiter à l’échelle sectorielle ce problème affectant les plus petits employeurs/régimes. Toutefois, nombre de contrats souscrits sur le marché canadien ne sont pas couverts par cette démarche sectorielle.
Les assureurs consacrent beaucoup de temps et d’efforts à la mise en commun des frais médicaux – certains proposant des hausses de frais ou primes de mise en commun assez importantes, des rehaussements du seuil de mise en commun (c.-à-d. que l’employeur est appelé à assumer un risque plus grand) et, dans certains cas, la mise en place d’un « nouveau modèle » de calcul des frais ou primes de mise en commun. Immanquablement, ces efforts déboucheront sur une certaine forme d’établissement des frais ou primes de mise en commun fondée sur les résultats d’expérience pour chaque client – ce que nous commençons d’ailleurs à constater.
Cette situation pourrait devenir un important enjeu pour les assureurs et les promoteurs de régime. D’aucuns pourraient même affirmer que l’enjeu est déjà important, les médicaments onéreux constituant un iceberg dont on ne voit que la partie émergée. Le pire serait donc à venir. Alors, quels sont les sujets de préoccupation?
Les risques augmentent et il en va de même pour les coûts. Par le passé, la mise en commun des frais médicaux était toujours axée sur les coûts à l’extérieur du pays – soit le risque d’une importante demande de règlement pour soins médicaux d’urgence à l’étranger – en particulier aux États-Unis. Ce risque existe toujours, mais il est minime comparativement aux risques liés aux médicaments onéreux. Or, les mises en marché de pareils médicaments ne peuvent qu’augmenter au fil des ans. Pour illustrer la situation, j’ai un client qui a récemment reçu une demande de règlement de frais de médicaments de 750 000 $ (vous avez bien lu). Son régime de soins médicaux repose sur un contrat de services administratifs seulement, assorti d’un seuil de mise en commun de 10 000 $. Ainsi, l’employeur a dû assumer seulement 10 000 $ du montant réclamé. Le reste du montant a été pris en charge par l’assureur. Le client s’en est relativement bien tiré, ce qui n’est pas le cas de l’assureur. Telle est la situation aujourd’hui, mais ce que nous réserve demain est encore plus inquiétant.
Outre les coûts plus élevés, la nature des demandes de règlement change. Pour la toute première fois, les demandes de règlement dans le cadre d’une mise en commun peuvent être récurrentes. Or, cette perspective n’avait jamais été prise en compte dans le concept de mise en commun. En fait, la mise en commun avait pour but d’offrir une protection contre les circonstances imprévisibles qui sont, par définition, uniques. Bon nombre de demandes de règlement de médicaments onéreux sont récurrentes. De toute évidence, la nature du risque pour les assureurs s’en trouve changée. Et cette situation est très inquiétante pour les promoteurs de régime, car certains assureurs limitent la protection de mise en commun pour les demandes récurrentes, lorsque la couverture est transférée d’un assureur à l’autre.
Les frais ou primes de mise en commun font l’objet de hausses très peu transparentes et incohérentes. Il se pourrait que le principal problème réside dans le manque de transparence entourant les frais ou primes de mise en commun. Les demandes de règlement sont certes déclarées, mais il est difficile d’établir des liens avec les frais ou primes de mise en commun − l’explication communément donnée à une hausse de ces derniers étant qu’elle fait suite à une augmentation des coût de mise en commun. Le secteur de l’assurance pourrait nettement mieux faire en situant l’ampleur du problème dans son contexte, mais ne dispose pas de données à cette fin. De plus, il y a très peu de cohérence dans la façon dont les assureurs calculent leurs frais ou primes de mise en commun et les ventilent, notamment. Parfois, ce manque de cohérence est constaté chez un même assureur dont la façon de procéder varie selon le client. Pareille incohérence contribue au flou entourant les frais ou primes de mise en commun. Il n’y aurait rien de bien compliqué à donner les chiffres.
Par souci d’honnêteté, il y a lieu de dire que les conseillers font aussi partie du problème. Nous sommes doués pour faire reculer les assureurs. Nous ne les laissons pas hausser leurs frais ou primes de mise en commun, si les résultats d’expérience de mise en commun de notre client ne justifient pas de telles hausses, et nous sommes les premiers à réclamer une réduction si les demandes de règlement dans le cadre de mise en commun sont nettement moins élevées que les frais ou primes de mise en commun. Nous agissons ainsi en raison du manque de transparence certes, mais aussi parce que nous obtenons souvent satisfaction et voulons nous assurer que les frais ou primes de mise en commun de notre client sont des plus concurrentiels. Nous comprenons le concept de mise en commun, mais notre approche est davantage axée sur la tarification selon les résultats d’expérience (surtout lorsque c’est à l’avantage de nos clients).
Alors, quelle est la solution à long terme à ce problème? Je manque d’objectivité. Je ne suis pas un grand partisan de la tarification d’une couverture de mise en commun fondée sur les résultats d’expérience. Ça va à l’encontre du concept même de la mise en commun (répartition du risque à l’échelle d’une population ou d’un groupe important) et tout le monde paie. Il y aura toujours des gagnants et des perdants. C’est un principe fondamental, mais les gagnants d’aujourd’hui risquent d’être les perdants de demain. Vous devez absolument gérer le risque prudemment dans le cadre d’un arrangement de mise en commun. Les perdants chroniques, soit ceux qui font des réclamations importantes, devraient payer plus au fil du temps, mais le concept est solide et rationnel. Au bout du compte, la solution au problème pourrait être dictée par une politique gouvernementale. De nos jours, le concept d’un régime d’assurance-médicaments national semble être plus en vogue, ce dernier étant perçu comme la solution à la hausse des coûts des médicaments. Pourquoi? En partie parce que, à un niveau supérieur, la mise en commun des coûts, des risques et du pouvoir d’achat présente de l’intérêt.
À coup sûr, je préconise une plus grande transparence des frais ou primes de mise en commun. Je comprends la nature concurrentielle du marché. Cependant, nos activités reposent sur des faits – nous prenons nos décisions à la lumière de faits qui sont généralement corroborés par des chiffres. Je suis dans le milieu depuis assez longtemps pour avoir une assez bonne compréhension de la façon dont les prix des avantages sociaux sont établis. Mais, en ce qui a trait à la mise en commun, je ne peux départager les faits de la fiction. Je ne suis pas certain que miser sur la confiance suffit désormais (si tel a déjà été le cas). Le marché est sceptique.
Une intensification de la concurrence s’impose dans ce créneau. Aux États-Unis, les promoteurs de régime se procurent souvent une protection de mise en commun auprès d’un autre fournisseur que leur assureur de soins médicaux. Nombre de promoteurs de régime font partie de coalitions ou de collectifs d’employeurs (formés pour la mise en commun des risques) visant à faire diminuer le coût de la mise en commun. Pour comparer le Canada et les États-Unis, il faut toujours tenir compte des dimensions et des perspectives. Ces marchés sont très différents. Du côté des États-Unis, il ne faut pas un important changement dans le comportement d’achat pour qu’une idée puisse être financièrement intéressante. La progression des frais ou primes de mise en commun au Canada est peut-être l’occasion d’examiner des solutions de rechange concurrentielles.
À l’évidence, les risques couverts par une entente de mise en commun ne cessent d’augmenter et il est clair que les coûts connexes de cette protection en feront autant. Mais la mesure dans laquelle ils progresseront est clairement une inconnue, puisque l’avenir est imprévisible. Toutefois, si les assureurs craignent l’avenir autant qu’ils en ont l’air, ils pourraient aujourd’hui avoir des échanges éclairés sur ce qui les attend. D’autres options pourraient aussi être examinées en vue de stabiliser les prix sur le marché.
Il doit sûrement y avoir une meilleure façon de procéder.
Brian Lindenberg est un membre principal du partenariat de Mercer, à Calgary, et responsable de l’innovation de Mercer Canada. Il compte plus de 30 années d’expérience dans le domaine des avantages sociaux.
© Tous droits réservés, Les Éditions Rogers limitée, 2015. Traduction d’un article publié initialement sur www.benefitscanada.com.
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