En juin 2020, Satya Nadella a déclaré que deux années de progrès en matière de numérisation avaient été réalisées au cours des deux premiers mois de la pandémie. Les répercussions pour l’avenir du travail sont bien plus profondes, car il repose non seulement sur la numérisation ou l’automatisation, mais aussi sur la démocratisation du travail, c’est-à-dire notre capacité croissante à dissocier rapidement le travail de ses limites traditionnelles d’espace, de temps et de structure. Le regroupement de ces deux forces a entraîné une accélération exponentielle dans le monde du travail. Il s’agit d’une perturbation d’une ampleur sans précédent, semblable à la transformation du secteur de la mobilité attribuable aux voitures électriques. Dans leur livre récemment publié, Work Without Jobs, Ravin Jesuthasan et John Boudreau présentent un nouveau système d’exploitation au travail qui, selon eux, est nécessaire afin de garantir la réinvention perpétuelle et la souplesse durable du travail afin qu’il demeure adapté pour l’avenir. Les quatre principes qui sous-tendent ce nouveau système d’exploitation au travail exigent des entreprises qu’elles poussent la réflexion au-delà de la notion voulant que l’emploi soit la principale structure d’organisation du travail et qu’elles se concentrent plutôt sur les tâches actuelles et futures, qu’elles trouvent les combinaisons optimales de travail humain et automatisé, qu’elles tiennent compte de l’ensemble des options permettant de mobiliser les effectifs (missions, affectations, etc.) et qu’elles permettent aux talents de profiter d’une certaine mobilité professionnelle plutôt que d’être limités à des emplois fixes et traditionnels. Toutefois, comme dans le cas des voitures électriques auxquelles nous avons précédemment fait référence, ce système ne sera pas plus performant que son infrastructure habilitante, un point que les auteurs analysent en détail.

 

La fonction RH, anciennement connue sous le nom de Ressources humaines (RH), a l’occasion de jouer un rôle central en permettant aux entreprises de tirer parti du plein potentiel offert par le nouveau système d’exploitation au travail, mais seulement si tous les aspects de cette nouvelle fonction RH sont repensés de manière à se concentrer sur un modèle d’interaction durable qui permettra d’exploiter toutes les possibilités que renferment ces principes. Cela commence par la déconstruction du modèle de prestation, y compris l’utilisation optimale de l’automatisation, et la création de nouveaux rôles qui sont essentiels à la mise en œuvre du nouveau modèle d’exploitation au travail.

La déconstruction du modèle de prestation

Un nouveau système d’exploitation au travail exige une réinitialisation du lien entre les RH et la main-d’œuvre. La plupart des entreprises utilisent des structures et des principes de gestion vieux de plusieurs décennies. Certes, ces structures et principes ont été remaniés au fil des ans, mais les changements ont été négligeables. Il en va de même pour le modèle d’exploitation RH. Le modèle traditionnel à trois piliers pour l’organisation des RH (des RH divisées en services partagés, en partenaires d’affaires et en centres d’expertise) est encore celui qui est le plus couramment utilisé. 

 

Bien que ce modèle ait été révolutionnaire et efficace pour son époque, dans un monde de « travail sans emploi », la fonction RH se doit d’être plus agile et d’accorder une plus grande attention à certains facteurs en particulier. Dans notre nouveau système d’exploitation au travail, la finalité, l’agilité et une expérience employé différenciée deviennent les fondements du travail à accomplir par la fonction RH. À la place du modèle à trois piliers, nous proposons un modèle d’interaction ciblée à quatre piliers qui comprend :

1

 

Un portefeuille de services RH reflétant les besoins stratégiques de l’organisation

 

 

3

 

Des renseignements sur la manière d’établir, au moyen du bon modèle d’interaction, un lien entre le portefeuille de services et les besoins des différents segments de la main-d’œuvre

 

4

 

La mise en œuvre de ces interactions grâce à une combinaison optimale de talents et de technologies 

Ce modèle d’interaction ciblée devient le catalyseur d’un modèle d’exploitation ciblée efficace et durable pour la fonction RH (et non l’inverse, comme c’est généralement le cas). 

Figure 1: Modèle d’interaction ciblée exemplaire

 

Ce modèle d’interaction ciblée peut se présenter différemment d’une entreprise à l’autre et en fonction du secteur, de la conception organisationnelle, de la dépendance à l’égard de l’effectif et de l’objectif. La compréhension et la conception d’interactions ciblées et leur mise en œuvre constituent la première étape de la création d’un modèle d’exploitation ciblée durable. En d’autres termes : pas de modèle d’exploitation sans modèle d’interaction. Une technologie et une automatisation optimisées ainsi qu’une fonction RH adaptée pour l’avenir sont des bases essentielles.

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Nouveaux rôles pour la mise en œuvre du nouveau modèle d’exploitation au travail

Les rôles RH, qui ont stagné pendant des décennies, sont en train d’être révisés. La pandémie a engendré de nouvelles méthodes de travail, un plus grand intérêt pour l’expérience humaine au travail, et un ensemble différent d’attentes envers la fonction RH. L’ancien rôle de partenaire d’affaires RH est le plus touché. Ce rôle qui couvrait traditionnellement tous les aspects de la fonction est de plus en plus divisé en deux rôles adaptés : 

Le rôle de partenaire de la direction.

Toutes les organisations s’efforcent d’adopter de bonnes pratiques en matière de leadership, mais beaucoup d’entre elles ont du mal à assurer une qualité et des retombées uniformes à ce chapitre au moyen de leurs efforts généralement axés sur les programmes (par exemple, les programmes de développement des cadres intermédiaires, etc.). Le partenaire d’affaires RH joue généralement un rôle unique dans le soutien du perfectionnement des dirigeants; il fournit un soutien aux dirigeants et aux effectifs, une assistance administrative et parfois aussi, des conseils stratégiques. Cependant, cette diversité d’activités a conduit à une grande inefficacité et à un manque de cohérence dans l’exécution des tâches associées à ce rôle. Le rôle de partenaire de la direction est un rôle spécialisé qui offre des services exclusivement aux responsables des RH et aux chefs de projet, le travail devenant de plus en plus axé sur les projets. L’objectif est de les soutenir dans tous les aspects de l’orchestration du travail, de la gestion d’équipes agiles et des activités d’encadrement et de développement des talents. Les partenaires de la direction jouent un rôle d’intermédiaire auprès de ces dirigeants et de leurs équipes pour toute la gamme des services RH. Les tâches administratives et le développement des capacités stratégiques sont exclus de ce rôle afin de garantir que les efforts se concentrent sur la mise en place d’un leadership efficace. 

Le conseiller en stratégie RH.

Les conseillers en stratégie RH sont au service du conseil d’administration, des responsables des services financiers et des responsables fonctionnels mondiaux pour tous les aspects du développement stratégique, réalisant une intégration harmonieuse de la stratégie, du travail et de la main-d’œuvre. Ils s’appliquent à traduire la stratégie et ses implications opérationnelles en une méthode de conception du travail et une approche qui déterminera comment les talents sont attachés et mobilisés à l’égard du travail. La plupart des initiatives stratégiques sont lancées et dirigées par le conseiller en stratégie RH.

 

Nous assistons à l’émergence d’un certain nombre de rôles différents au sein des services de l’exploitation RH.

 

Le concepteur de l’expérience du service.

 Ce rôle vise à accroître l’adoption des services offerts par les RH en les concevant expressément en fonction des besoins uniques des différents segments de main-d’œuvre. Qu’il s’agisse de l’exécution d’un processus, d’un changement de technologie ou de l’introduction d’un nouveau service, le titulaire de ce rôle s’assure que tout est mis en place de la bonne manière et facile à utiliser par le personnel.  Bosch, le fabricant allemand de pièces pour véhicules automobiles, fait appel à d’anciens concepteurs de produits dans tous ses projets RH afin de garantir une adoption optimale de divers services RH.

Le coordonnateur de contenu.

Le titulaire de ce rôle permet d’assurer une communication et une écoute cohérentes dans l’ensemble des canaux, ce qui est devenu encore plus important avec l’avènement de la main-d’œuvre hybride. Il permet notamment d’atténuer le risque de traitement inégal ou de partialité dans les réponses fournies aux demandes des membres de l’effectif. Le titulaire de ce rôle veille également à ce que la gouvernance et la qualité de toute l’information soient cohérentes, tout en s’assurant que les bons canaux sont utilisés pour une communication viable du contenu. En collaboration avec le concepteur de l’expérience du service, le coordonnateur de contenu contribue à assurer l’adoption optimale de divers services en les concevant et en les fournissant d’une manière qui répond aux besoins particuliers de divers segments de la main-d’œuvre.

Le scientifique des données.

Le titulaire de ce rôle est chargé de formuler des hypothèses sur la façon d’améliorer la main-d’œuvre et le rendement de cette dernière, puis d’extraire, d’analyser et d’interpréter toutes les données nécessaires pour valider ces hypothèses. Avec l’augmentation du volume des données sur la main-d’œuvre et de la vitesse à laquelle elles sont produites par les entreprises, ce rôle est de plus en plus essentiel pour améliorer le rendement des effectifs et leur expérience globale.

 

De plus, les rôles dans les centres d’expertise traditionnels commencent à changer, car les entreprises établissent une distinction plus nette entre les rôles de contact avec les clients internes et les ressources de l’entreprise.

 

Experts en acquisition de talents.

Il s’agit d’un bon exemple de rôle de contact direct avec les clients. Ces experts se concentrent exclusivement sur l’acquisition de talents (ce qui a souvent fait partie des attributions des partenaires d’affaires RH), travaillant directement avec les responsables d’embauche pour soutenir les communautés de talents internes et externes afin d’acquérir des talents difficiles à trouver dans un marché du travail qui se resserre sans cesse. Nous considérons ces rôles comme des centres de compétence ou des ressources expertes qui ont une grande proximité avec l’entreprise.

Expert en rémunération et avantages sociaux.

Les titulaires de ces rôles, d’autre part, sont davantage axés sur l’établissement du cadre et des politiques appropriés et sur la garantie de leur exécution cohérente. Ils sont également chargés de conseiller d’autres employés des RH. Il est plutôt rare qu’ils travaillent directement avec les gestionnaires de personnel. On les appelle encore des centres d’expertise (CE).

 

Nous voyons les RH se transformer en une fonction beaucoup plus nuancée, axée sur l’expertise et au service des personnes. Aucun modèle d’exploitation unique ne pourra fonctionner pour l’ensemble des modèles d’affaires, des cultures ou des nuances des secteurs d’activité, car les rôles sont conçus sur la base du modèle d’interaction ciblée, tandis que la distribution et la mise à l’échelle des ressources sont déterminées sur la base du modèle d’exploitation ciblée.

 

Si la pandémie et la « Grande démission » ou le « Grand remaniement » qui ont suivi nous ont appris quelque chose, c’est que l’aspect humain de l’équation du travail est plus que jamais essentiel au rendement de l’entreprise. Toutefois, la réinitialisation que nous vivons et le nouveau modèle d’exploitation au travail qui la sous-tend exigent une fonction RH adaptée qui est radicalement différente. 

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